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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 3ème jour de séance, 7ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 6 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

          SOMMAIRE :

CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE (deuxième lecture) 1

    ARTICLE PREMIER 7

    ART. 2 8

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite) 8

    ART. 2 (suite) 8

    ART. 3 20

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle (no 1017) relatif au Conseil supérieur de la magistrature.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Les 2 et 3 juin derniers, votre Assemblée a examiné en première lecture et adopté sans modification le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, élément clé de la réforme de la justice que j'ai engagée.

Cette réforme comporte trois volets. Le premier a trait à l'amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien, c'est la plus urgente et la plus attendue. Ainsi, le projet sur la simplification et l'efficacité de la procédure pénale a déjà été adopté en première lecture par le Sénat et celui sur l'accès au droit l'a été par votre Assemblée.

Le deuxième volet est destiné à garantir les libertés de nos concitoyens. Le projet renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a été adopté par le Conseil des ministres et transmis au Parlement. Il prévoit notamment l'instauration d'un juge de la détention provisoire et une limitation des cas où elle peut être ordonnée. Il permettra également d'ouvrir des fenêtres de publicité au cours de la procédure d'instruction afin que les intéressés puissent se défendre contre les charges qui pèsent sur eux. Enfin, certaines dispositions viseront à interdire les images pouvant porter atteinte à la dignité des personnes menottées et à protéger les victimes majeures ou mineures.

Le troisième volet de la réforme vise à assurer une justice indépendante et impartiale et ce projet en est la clé de voûte.

Le soupçon d'intervention des politiques dans les procédures judiciaires compromet gravement la confiance que tout citoyen doit avoir en la justice. Pour la restaurer, il est donc indispensable de clarifier les rapports entre justice et pouvoir politique et d'interdire désormais toute intervention de ce dernier dans les affaires particulières.

C'était une des priorités fixées par le premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997. Cela a été ma pratique depuis 15 mois. Mais cette pratique doit être inscrite dans la loi et c'est l'objet du projet sur les rapports de la Chancellerie et du parquet qui a été transmis au Parlement.

Mais, dès lors que les parquets ne recevront plus d'instruction, il faut garantir l'indépendance de leurs membres dans leur carrière et leur nomination. Tel est l'objet du présent projet. Aucune nomination ne pourra se faire pour les procureurs de la République et les procureurs généraux sans accord formel du Conseil supérieur de la magistrature qui jouira aussi du pouvoir disciplinaire.

En contrepartie, il était nécessaire de modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature pour qu'il soit le reflet de la société et non des seules préoccupations des magistrats.

La réforme constitutionnelle comporte donc trois axes : renforcer les garanties statutaires des magistrats du parquet, en matière de nomination comme de discipline, élargir la composition du Conseil supérieur de la magistrature, en évitant à la fois la politisation et le corporatisme, affirmer l'unité de la magistrature, selon des modalités qui peuvent être discutées.

A l'issue d'un débat fort riche, votre assemblée a approuvé ces objectifs. Le Sénat a quant à lui accepté l'économie générale de la réforme. Il a notamment retenu l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour toutes les nominations de magistrats du parquet, à l'exception des procureurs généraux. Il a accepté l'extension des garanties disciplinaires aux magistrats du parquet. Il a, enfin, validé l'idée selon laquelle la composition du Conseil supérieur de la magistrature devrait réserver une place majoritaire aux non magistrats.

Mais le Sénat a aussi amendé le texte. Certains de ses amendements ne remettent pas en cause la cohérence de la réforme.

L'une des principales modifications qu'il a introduites a trait au maintien de deux formations distinctes du Conseil supérieur de la magistrature, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du parquet, une formation plénière étant compétente pour répondre aux demandes d'avis du Président de la République. Le Gouvernement avait préféré une formation unique, afin d'insister sur l'unité de la magistrature.

Si je tiens à réaffirmer ici le principe de l'unité du corps judiciaire, essentiel pour le respect des libertés publiques, je suis toutefois sensible à l'opinion selon laquelle les magistrats du parquet exercent des missions distinctes, dans un cadre hiérarchisé.

C'est pourquoi, non plus que votre commission des lois, le Gouvernement n'est opposé au maintien de deux formations du Conseil supérieur, dès lors que juges et parquetiers bénéficieront de garanties comparables et que l'institution d'une formation plénière pour répondre aux demandes d'avis du Président de la République marquera nettement l'unité du corps.

J'approuve également, comme l'a fait votre commission, d'autres modifications apportées par le Sénat. Ainsi, en ce qui concerne le mode de désignation des personnalités extérieures et leur régime d'incompatibilité, le Sénat a souhaité que le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour des comptes et le premier président de la Cour de cassation désignent conjointement quatre personnalités au lieu de deux, estimant que le président du Conseil économique et social ne pouvait nommer deux personnalités. Consacrer par ailleurs, par l'article 19 de la Constitution, l'absence de contreseing de la désignation de personnalités extérieures par le Président de la République, ne revient guère qu'à codifier une pratique en vigueur pour la nomination des membres du Conseil constitutionnel.

Sur deux points en revanche, le Gouvernement a, comme votre commission une position différente de celle du Sénat.

En premier lieu, le Sénat a souhaité indiquer à l'article 65 de la Constitution que le pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature s'étend aux présidents des tribunaux de première instance et des tribunaux supérieurs d'appel. Cette précision n'est pas nécessaire car telle est déjà la pratique constitutionnelle constante.

En second lieu -c'est le point essentiel- le Sénat a exclu du champ de l'avis conforme du Conseil supérieur les procureurs généraux. Nous ne saurions le suivre car c'est rompre la cohérence de la réforme : l'avis conforme du CSM pour la nomination de tous les magistrats du parquet est seul de nature à écarter tout soupçon d'intervention du pouvoir exécutif ; en exclure les procureurs généraux, ce serait clairement manifester qu'ils demeurent soumis à celui-ci.

Il serait paradoxal que les procureurs généraux ne bénéficient pas des mêmes garanties que les autres magistrats du parquet, d'autant que le Gouvernement a l'intention de renforcer leur autorité hiérarchique en les chargeant de coordonner la mise en oeuvre de la politique pénale, de façon que les citoyens soient traités de manière égale.

La commission Truche avait d'ailleurs elle-même considéré que le rôle plus important qu'elle souhaitait voir tenir par les procureurs généraux devait avoir pour conséquence des garanties de nomination.

Le système que nous retenons est équilibré : le Garde des Sceaux et le Conseil supérieur de la magistrature seront obligés de collaborer et de trouver un accord sur la nomination des magistrats du parquet. Mon objectif était de restaurer la confiance des citoyens dans l'indépendance de la justice ; d'une certaine façon, cette réforme ne fait que codifier la pratique qui a été la mienne depuis quinze mois et qui a déjà, sur ce plan, fait ses preuves.

Je me félicite que le Sénat ait accepté les grandes orientations de cette réforme. Les deux commissions des lois ont remarquablement travaillé et le Sénat a apporté des améliorations au texte ; mais nous ne saurions accepter un bouleversement qui est une forme de refus du troisième volet de la réforme, visant à une justice impartiale et égale pour tous : suivant en cela votre commission, je vous demande de rétablir la disposition tendant à nommer tous les magistrats du parquet sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois - "L'Assemblée nationale ménage le Sénat au sujet de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature", disait un titre du journal Le Monde de la semaine dernière. C'est un peu court, mais il est vrai que j'ai cru utile de faire miennes les propositions sénatoriales, sauf celle qui concerne la nomination des procureurs généraux et qui remet en cause la cohérence de l'ensemble.

Mais je voudrais revenir sur plusieurs observations entendues en commission des lois.

Ce projet viendrait trop tôt, il aurait d'abord fallu débattre du statut des magistrats et des autres textes que vous nous proposez, Madame la ministre, pour réformer la justice. Je ne saurais accepter cette remarque : par cohérence, il est normal de commencer par le projet de réforme constitutionnelle. D'ailleurs, le Conseil d'Etat, avec sagesse, refuse d'examiner les projets de lois organiques tant que la loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

La garantie de l'indépendance de la magistrature serait liée à la procédure de nomination des magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet. Suspecter ainsi les magistrats dans leur manière d'exercer leurs fonctions, c'est quelque peu leur faire injure... En réalité, c'est le Président de la République qui est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la légitimité de la magistrature procède de la garantie qu'elle accorde à tous les citoyens en matière de libertés individuelles. Mais les procureurs et les procureurs généraux doivent échapper au soupçon d'être par trop dévoués au pouvoir politique.

L'indépendance pourrait conduire à faire fi de la hiérarchie. A cet égard, Madame la Garde des Sceaux, je m'en tiendrai à votre déclaration au Sénat du 24 juin dernier : "les magistrats du parquet seront placés sous la direction et sous le contrôle de leur chef hiérarchique ; le procureur général animera et coordonnera la mise en oeuvre, par chaque procureur de la République de son ressort, des directives de politique générale". Plusieurs fois, avec l'insistance qu'il fallait, Madame la ministre, vous avez affirmé que vous n'intervenez pas dans les affaires particulières, mais que vous donnez des instructions afin que sur l'ensemble du territoire de la République, la loi soit appliquée de la même façon. C'est simple, facile à comprendre...

Restait cette suspicion un peu extraordinaire : et si certains membres du parquet n'appliquaient pas les directives générales et les instructions du Garde des Sceaux ? La République a su instaurer une organisation hiérarchique de ses serviteurs et des cadres disciplinaires ; il ne peut en être autrement dans la magistrature.

Mes chers collègues, je vous propose, non pas dans le souci de ménager le Sénat, mais dans celui de voir aboutir cette réforme, d'accepter un certain nombre de propositions de la Haute assemblée concernant le retour au double collège, le fonctionnement du CSM en double formation avec possibilité de siéger en formation plénière, la nomination des membres du CSM. Je vous propose d'adopter aussi une proposition plutôt de forme concernant les magistrats siégeant dans les territoires d'outre-mer.

Il n'est pas nécessaire de modifier sur ce point l'article 65 de la Constitution, la coutume constitutionnelle incluant les emplois de président de tribunal de première instance et de tribunal supérieur d'appel dans le champ du pouvoir de proposition du CSM. Cela rendrait plus compliquées, en outre, d'éventuelles modifications de l'organisation judiciaire dans les TOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je vous proposerai donc de supprimer cette référence.

Malgré les remarques, parfois jugées désagréables, du président de la commission des lois du Sénat à l'égard de notre Assemblée, je vous invite à considérer l'excellent travail du Sénat et d'adopter le projet de loi constitutionnelle ainsi modifié (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Houillon - En première lecture, les députés du groupe DL avaient voté contre ce texte de circonstance, qui n'apporte qu'une réponse ponctuelle aux problèmes de fonctionnement du service public de la justice.

Sur la forme, nous avions regretté de ne pouvoir nous prononcer en toute connaissance de cause sur les contours d'une éventuelle indépendance du parquet, le projet définitif du Gouvernement sur les relations entre parquet et chancellerie n'étant pas encore connu. Il nous est parvenu depuis, mais nous ne savons toujours rien quant à son inscription à l'ordre du jour, ce qui nous interdit de nous prononcer en toute sérénité. Le rapporteur partage d'ailleurs mon avis, puisqu'il a déploré, en commission, que le débat d'orientation sur la justice n'ait pas donné aux parlementaires l'occasion de faire connaître leur vision d'ensemble sur cette question.

Sur le fond, nous n'avons pas voulu donner au Gouvernement un blanc-seing sur la question de l'indépendance du parquet, sans garantie quant aux modalités de jouissance de cette indépendance, à l'uniformité de la politique pénale sur l'ensemble du territoire, à la mise en jeu de la responsabilité des magistrats et au respect des libertés et des droits de la défense, tous aspects sur lesquels nos questions sont demeurées sans réponse.

En second lieu, le projet entretenait une malheureuse confusion des genres. Les magistrats du siège et ceux du parquet ont en effet des fonctions très différentes : le magistrat du parquet est l'avocat de la société, de la République, c'est lui qui demande au juge l'application de la loi. De cette séparation des fonctions, au demeurant exigée par la Convention européenne des droits de l'homme, doit découler une différence de statut, et c'est pourquoi nous sommes favorables au maintien d'un lien entre le Gouvernement et le parquet.

Aujourd'hui, des éléments nouveaux nous donnent raison. Les 35 premiers présidents de cours d'appel, réunis en assemblée plénière le 28 mai, ont pris position, à l'unanimité, pour le maintien d'une distinction franche entre les deux fonctions, et déploré une dynamique conduisant les citoyens à distinguer de plus en plus en plus difficilement entre magistrats du siège et magistrats du parquet, ces derniers prenant de plus en plus souvent - comme l'estimait également M. Badinter au Sénat - des décisions quasi juridictionnelles, ce qui n'est pas leur rôle.

Le projet de loi constitutionnelle nous revient amélioré par le Sénat. Nous nous réjouissons notamment que celui-ci ait maintenu deux formations distinctes au sein du CSM et rétabli la nomination des procureurs généraux en Conseil des Ministres afin de les investir de la légitimité nécessaire à leur action. Nous aurions donc pu modifier le sens de notre vote, si la commission des lois, probablement conseillée par le Gouvernement, n'avait adopté un amendement rétablissant la nécessité d'un avis conforme du CSM pour la nomination des procureurs généraux. Si l'Assemblée fait de même, nous maintiendrons notre vote négatif (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. Louis Mermaz - Le Gouvernement et sa majorité entendent assurer l'indépendance des magistrats, ce qui suppose que ces derniers soient légitimes, responsables et impartiaux. Pour cela, nous avons voulu que les non-magistrats soient majoritaires, fût-ce de justesse - 13 sur 23 -, au sein du CSM, afin de prévenir le risque de corporatisme, et que cet organisme soit doté de pouvoirs incontournables dans la nomination des magistrats : il continuerait de faire des propositions au garde des Sceaux pour celle des principaux magistrats du siège, et son avis conforme serait requis, non seulement pour celle des autres magistrats du siège, mais aussi, désormais, pour celle des magistrats du parquet. Les deux corps seraient fusionnés au sein du CSM, sauf lorsqu'ils siègeraient en formation disciplinaire.

Le Sénat, le 24 juin dernier, a très sensiblement modifié cet équilibre. Le texte qui nous revient prévoit que le président du Conseil économique et social ne sera plus appelé à désigner deux membres du CSM, mais que le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour des comptes et le premier président de la Cour de cassation désigneront conjointement quatre membres au lieu de deux. Cette disposition, d'un très grand classicisme, fera regretter à beaucoup d'entre nous la Constitution de 1946, qui faisait désigner 6 membres du CSM sur 14 par l'Assemblée nationale : c'était une époque, il est vrai, où la représentation nationale avait plus de pouvoir qu'aujourd'hui, ses prérogatives n'ayant pas encore été démantelées au bénéfice d'une multitude de comités et organismes de contrôle, de nomination et d'interprétation des lois... Le Sénat a également voulu que le CSM siège dans tous les cas en deux formations distinctes, sauf lorsqu'il est appelé à assister le président de la République de ses avis, et que les procureurs généraux continuent d'être nommés en conseil des ministres.

Que reste-t-il donc de la réforme du CSM, que l'on présente volontiers comme la clé de voûte de la réforme, à venir, de la justice ? Essentiellement la composition nouvelle de cet organisme, où les magistrats seront minoritaires : il semble que les sénateurs aient été sensibles, eux aussi, au risque de corporatisme. Pour le reste, notamment pour la double formation et pour la nomination des procureurs généraux, le Sénat s'en est tenu, à quelques exceptions près, au texte issu de la révision constitutionnelle de juillet 1993 -tout au plus, le CSM disposera-t-il désormais d'un pouvoir de décision en matière disciplinaire, à l'encontre des magistrats du parquet comme des magistrats du siège. Comme il faut arriver à des votes similaires dans les deux assemblées pour que la réforme ait des chances d'aboutir, le Gouvernement nous a invités à une certaine élasticité et la majorité de la commission l'a suivi. Nous devrons donc rabattre de nos prétentions et nous rallier aux amendements sénatoriaux -hormis celui qui concerne les procureurs généraux, que la commission des lois de la Haute assemblée n'avait d'ailleurs pas voté.

L'avenir de cette réforme dépendra donc de l'attitude du Sénat : se contentera-t-il des pas que nous croyons indispensable de faire dans sa direction ou se raidira-t-il sur le texte qu'il a déjà adopté ?

Mais d'autres textes fondamentaux vont nous être soumis, notamment celui qui a trait à la présomption d'innocence. L'Assemblée s'est déjà préoccupé du sujet, votant une proposition de loi de M. Tourret -proposition que le Garde des Sceaux a gardée sous le coude, mais dont il a repris certaines idées. Nous souhaiterons peut-être aller plus loin. Enfin, il y aura la réforme relative aux procureurs, d'autant plus importante pour nous que, si nous souhaitons comme vous que ces procureurs n'interviennent plus dans les affaires individuelles, nous voulons préserver une politique pénale valable pour l'ensemble du territoire.

Pour ce qui est du texte de ce soir, nous le voterons car c'est, je le répète, une avancée, mais le plus important reste devant nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Albertini - Lorsque ce texte est venu devant nous en première lecture, le 2 juin, je m'étais interrogé sur l'ordre des facteurs. Comme à nombre de mes collègues, il apparaissait que cette réforme du CSM devait, non lancer, mais couronner la grande réforme de la justice souhaitée par le Président de la République et attendue par nos concitoyens. Cependant, j'avais aussi porté une appréciation positive sur trois aspects de ce texte : en premier lieu, sur la mixité, c'est-à-dire sur l'association de magistrats et de personnalités extérieures, assortie d'une légère prédominance des secondes, nécessaires pour éviter que cette institution, à l'instar de bien d'autres, ne prenne presque exclusivement en charge les intérêts corporatifs.

Il nous apparaissait, d'autre part, que l'élection était le seul procédé démocratique et incontestable pour choisir les dix magistrats composant le conseil supérieur.

Enfin, la procédure de nomination, reposant largement sur un avis conforme, permettait selon nous un bon équilibre, s'agissant d'apprécier les qualités humaines et professionnelles des magistrats.

Pour résumer, le renforcement des garanties constitutionnelles nous semblait aller dans le bon sens. Le soupçon, qui existe depuis longtemps, devrait nous créer une ardente obligation de donner de cette institution une image plus impartiale et plus flatteuse. Le groupe UDF s'était donc prononcé en faveur du projet tout en exprimant quelques souhaits, et quelques craintes à propos de la réussite de la réforme globale de la justice.

Quatre mois plus tard, le débat a été éclairé par les débats du Sénat, toujours fructueux, dirai-je, ce qui me permettra de prendre ensuite quelques libertés à l'égard des conclusions de la Haute assemblée ! Reste cependant une divergence essentielle, à propos du maintien ou non de deux formations spécifiques, l'une pour le siège, l'autre pour le parquet. Pour moi, j'approuverai cette subdivision fonctionnelle : elle correspond à une distinction indiscutable des fonctions et elle ne compromet en rien le renforcement des garanties constitutionnelles ; en outre, elle a été souhaitée par les premiers présidents de cours d'appel, lors de leur conférence nationale de Saclay, en mai.

Le débat est également éclairé par les textes et par les orientations que vous avez produits, Madame le Garde des Sceaux, en vue de la grande réforme de la justice.

Nous savons ce que souhaitent les Français : une justice plus simple, plus efficace, plus rapide et plus indépendante. Or c'est précisément sur ce terrain que peuvent naître les doutes. Le premier de ces doutes porte sur l'orientation même de votre réforme : ne cédez-vous pas à la tentation de la résignation ? Par une sorte d'auto-censure d'ailleurs largement partagée, ne prenez-vous pas quelque retrait ? C'est sans doute confortable dans l'immédiat, mais est-ce efficace ? Est-ce répondre aux aspirations de nos concitoyens ? Je ne le crois pas. Je pense au contraire que cela risque de conduire à un effritement du principe d'égalité devant la justice et à son émiettement de la politique pénale. Trente-trois procureurs généraux, 180 procureurs de la République : même en conservant, comme l'a dit M. Floch, l'organisation du parquet selon un principe hiérarchique, rien ne garantit que tous les parquetiers mettront partout en oeuvre les mêmes priorités !

Un second doute a trait aux améliorations qui seront réellement apportées à la justice au quotidien, celle qui concerne le plus nos concitoyens. Les cabinets d'instruction croulent sous les dossiers, la justice civile est engorgée, le traitement de la délinquance de masse n'est pas correctement assuré ; faute d'un suivi individualisé, l'organisation des peines de substitution est défectueuse et toute cette inefficacité nourrit chez les jeunes délinquants un désastreux sentiment d'impunité. Enfin, le moral de l'institution n'est pas bon ; les magistrats sont assaillis de doutes, d'abord sur eux-mêmes, ce qui est légitime, mais aussi sur leur place dans la société, sur la façon dont leur travail s'articule avec celui de la police ou de la gendarmerie... Tout cela vient de ce qu'ils ne perçoivent pas clairement les lignes de votre réforme. Celle-ci apparaît en effet hybride et, à bien des égards, vous êtes restée au milieu du gué.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF s'abstiendra ce soir.

M. Pascal Clément - J'en veux au Gouvernement, ai-je envie de dire : même si les partis politiques portent en cela une part de responsabilité, il a mal expliqué la question qui nous occupe à l'opinion et il a entretenu la confusion entre deux fonctions radicalement distinctes : la fonction du parquet et la fonction de ceux qui jugent.

Certains raccourcis sont faciles. La droite souhaiterait une justice entre les mains du pouvoir et la gauche une indépendance totale.

Il ne faut toutefois pas oublier que les procureurs non seulement requièrent pour défendre la société mais doivent surtout décider de l'opportunité des poursuites. Or quelle légitimité ont-ils pour le faire ? Celle que leur donnent les concours qu'ils ont passés pour être recrutés ?

Au demeurant, le Président de la République -l'élu aux fonctions suprêmes- préside le CSM et se trouve ainsi au sommet de la pyramide judiciaire.

Vous n'avez pas remis ce rôle en cause, alors même que l'esprit de votre réforme est de couper tout lien entre les magistrats et les élus, ce qui vous conduit à refuser la nomination en Conseil des ministres des procureurs et des procureurs généraux.

Plus fondamentalement, nous ne partageons pas votre vision de la justice.

C'est un gouvernement de droite qui a été à l'origine de la réforme du CSM de 1993 grâce à laquelle, pour la première fois, les juges du siège ont été entièrement indépendants. Depuis, par manque de pédagogie, on a laissé se faire une assimilation entre les magistrats du parquet et les juges.

Votre réforme, si elle est menée à son terme, ne durera pas car elle est contraire à la réalité. Sous prétexte que l'on peut passer du siège au parquet et du parquet au siège, on voudrait que le passage se fasse sans changement de statut ?...

Je pense pourtant qu'il se trouvera demain ou après-demain, si votre réforme est mise en oeuvre, un gouvernement pour créer deux corps distincts, l'un de magistrats du siège, l'autre de magistrats du parquet.

Je ne crois pas que le système que vous proposez puisse fonctionner longtemps. On sait trop les dérapages qu'il y a dans tous les pays en matière de justice et qu'il n'y a pas en France de responsabilité correspondant à l'indépendance que nous voulons tous pour les juges.

Je vous renvoie à ce que disait votre rapporteur en commission des lois : sur 48 procédures engagées, 4 magistrats ont été sanctionnés ce qui est extrêmement peu.

Le corporatisme a régné au CSM pendant toute la IVème République, époque où d'ailleurs c'est vrai, siégeaient en son sein des parlementaires, ce qui était la pire des choses. Mais ce n'est que si vous créez deux corps de magistrats totalement distincts, que votre réforme pourra être acceptée par notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

M. Jean-Luc Warsmann - Ce texte que nous examinons en seconde lecture, n'a qu'une portée toute relative. Il n'est d'abord que le prolongement de la réforme de 1993. Surtout, il n'aborde pas les questions essentielles. Croire que la réforme du CSM garantira l'indépendance des magistrats et l'efficacité de leur action est utopique.

Nous partageons bien sûr les principes de votre réforme qui ont été énoncés en décembre 1996 et en janvier 1997 par le Président de la République. Nous regrettons par contre votre méthode, qui ne nous donne qu'une vision partielle de la réforme de la justice que vous envisagez.

Des questions précises qui ont trait au fonctionnement du CSM restent sans réponses. Par exemple, son budget va-t-il être individualisé ? Comment nommera-t-on son secrétaire ? Les procureurs seront-ils nommés en petit conseil, sous la présidence du Garde des Sceaux, ou bien en grand conseil sous celle du Président de la République ?

Sur le fond, parce que nous sommes dans un système d'opportunité des poursuites se pose le problème de la légitimité de l'action publique. Les décisions de poursuite ne peuvent être arbitraires et doivent s'inscrire dans le cadre d'une politique pénale nationale.

Nous avons également des inquiétudes sur l'efficacité de l'action publique. Vous nous dites, Madame le Garde des Sceaux, pouvoir la garantir grâce aux directives générales que vous pouvez donner aux parquets.

Or, nous avons constaté cet été, à l'occasion des affaires de dopage, que le parquet de Reims disposait des éléments nécessaires pour engager les poursuites bien longtemps avant de lancer la procédure. Pourtant, le Gouvernement a, à plusieurs reprises, déclaré que la lutte contre le dopage constituait l'une de ses priorités. Avez-vous donné des directives ? Ont-elles été appliquées ?

La coordination de la politique pénale se résume bien souvent à la coordination des décisions de classement sans suite.

Je crois que c'est d'ailleurs pour assurer l'autorité des procureurs généraux que le Sénat a souhaité leur nomination en Conseil des ministres.

Le groupe RPR ne modifie pas l'attitude qui était la sienne en première lecture et souhaite un débat assurant la cohérence de l'ensemble de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

L'article premier A, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois - Nous souhaitons supprimer du texte la mention des tribunaux supérieurs d'appel et des tribunaux de première instance d'outre-mer.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à cet amendement.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Nous arrivons au coeur de ce débat. Le Sénat a décidé que les procureurs généraux ne seront pas nommés sur avis conforme du CSM. Je vous propose, par l'amendement 2, de revenir au texte voté par l'Assemblée.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement 2, mis aux voix par assis et levés, est adopté.

L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 3 est de pure forme. Il rétablit le titre XVII de la Constitution relatif aux dispositions transitoires, que le Sénat avait omis de rétablir.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 22 heures 20, est reprise à 22 heures 25.


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LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation agricole.

ART. 2 (suite)

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche - J'ai écouté avec attention les nombreux orateurs inscrits dans la discussion générale sur cet article relatif aux contrats territoriaux d'exploitation. Ces contrats sont d'abord un moyen moderne d'organiser les relations entre les agriculteurs et l'Etat. Au lieu de récompenser l'accumulation du capital agricole et d'encourager son accroissement, ils reconnaîtront de véritables projets d'exploitation.

Les contrats ne sont pas une nouveauté en agriculture mais les CTE, pour la première fois, visent à regrouper l'ensemble des aides dans un cadre global et cohérent. N'en déplaise à certains, les agriculteurs n'attendent pas des pouvoirs publics des carottes, mais un cadre et des orientations.

Comment les choses vont-elles se passer concrètement ? Un guide d'élaboration, qui fera une synthèse nationale des préfigurations départementales, sera adressé dans tous les départements. A ce sujet, dissipons d'emblée une mauvaise querelle. J'ai reçu 75 demandes spontanées émanant de professionnels, (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) complétées par des lettres de parlementaires. C'est le Président de la FNSEA en personne qui, devant le congrès de l'organisation, m'a demandé de les prendre toutes en considération. Je n'ai pris aucune initiative pour susciter des demandes de préfiguration.

Des contrats types seront élaborés dans les départements, arrêtés par les préfets en concertation avec les régions. Les agriculteurs prépareront ensuite eux-mêmes leurs projets, avec l'appui des organismes du monde agricole, et les signeront avec les préfets.

Quel sera le contenu de ces contrats ? Ils viseront notamment à développer la valeur ajoutée et à créer des emplois et s'articuleront autour d'un axe territorial et environnemental. S'agit-il pour autant d'une sur-administration, je ne le pense pas. Je ne conteste pas les difficultés de leur mise en oeuvre initiale mais, à mesure que nous regrouperons les aides publiques dans les CTE, ce cadre deviendra cohérent et simplificateur. En outre, la passation d'un contrat entre l'agriculteur et l'Etat me paraît un acte moderne, adapté aux exigences de responsabilité d'une démocratie comme la nôtre.

On me dit que l'on provoquera ainsi des frustrations, mais quelle politique agricole s'est faite en un jour et même en un an ?

La traduction des lois de 1960 et 1962, dont l'adoption fut si conflictuelle, que le débat d'aujourd'hui paraît plaisant... (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), ne s'est pas faite au lendemain de leur promulgation : il y a fallu deux décennies.

Tout le monde ne pourra pas signer un CTE, tout de suite, c'est vrai, mais rappelons-nous les débuts de la DJA... Les files d'attente n'ont pas condamné cet outil.

Oui, il faudra monter en puissance progressivement, et basculer les crédits en conséquence, mais nous y reviendrons à l'article 3.

Vous m'avez interrogé sur la durée du contrat. Elle ne relève pas de la loi mais du décret. Je suis pour ma part favorable à une durée de quatre ou cinq ans, mais je poursuivrai les consultations.

En instituant le contrat territorial d'exploitation, vous faites entrer le monde agricole dans une démarche, que je comparerai à l'institution, en 1966, du dispositif de développement agricole, car il s'était alors agi de faire entrer les agriculteurs, avec leurs organisations, dans une démarche de modernisation, d'amélioration technique, de recherche de performance. S'il a fallu un décret et la création de l'ANDA, c'était bien la condition nécessaire pour que démarre ce mouvement, mais le développement agricole s'est opéré parce que le monde agricole s'en est emparé et c'est alors seulement que le mouvement est devenu irréversible.

Les CTE sont d'abord une démarche, il faut donc en élaborer les règles avec les acteurs eux-mêmes. A en juger par le nombre des amendements que vous avez déposés, vous ne vous êtes pas trompés sur leur importance pour la mise en oeuvre des nouvelles orientations que nous entendons imprimer à la politique agricole.

J'ai trouvé dans ces amendements bien des suggestions pertinentes. La commission, notamment, a fait un excellent travail pour clarifier la notion de CTE et pour mieux définir son contenu. Elle a ainsi affirmé que le CTE doit correspondre à un projet économique global intégrant les trois fonctions de l'agriculture : économique, sociale et environnementale. Elle a également rappelé que l'emploi est une des préoccupations majeures auxquelles le CTE doit répondre. Toutes ces clarifications sont bienvenues.

D'autres amendements peuvent être retenus s'ils ne nuisent pas à l'équilibre global du texte. Je suis d'accord pour aller au fond du débat sur chacun des points soulevés, mais je souhaite que le texte final reste lisible, et ne soit pas trop alourdi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Jacob - Vous ne nous avez pas convaincus !

A l'évidence, le CTE est la charpente de cette loi d'orientation. Il devrait donc répondre aux objectifs fixés par l'article 1er. Or il n'en satisfait aucun, c'est pourquoi, par l'amendement 299, nous proposons la suppression de cet article 2.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production - Nous l'avons compris, ce n'est pas cette loi que vous auriez souhaitée. Vous auriez voulu un article 1er pléthorique et vous voudriez détruire chacun des quatre chapitres du texte. Même la loi préparée par le prédécesseur de M. Le Pensec ne vous aurait pas satisfaits.

Le CTE n'est pas la charpente du dispositif, mais un outil au service de l'installation, du territoire, de l'emploi, du déplacement de la plus-value de l'aval vers l'amont, de l'organisation économique. Il nous parait donc indispensable, d'autant qu'il répond aux préoccupations des agriculteurs et de leurs organisations. (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Nous ne rencontrons visiblement pas les mêmes agriculteurs...

Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé l'amendement de suppression.

M. le Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 299, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roger Lestas - Dans les petites exploitations, c'est le bailleur de fonds qui prend toute la responsabilité de l'investissement, il convient donc de l'associer au CTE. C'est ce que propose M. Micaux par son amendement 447.

M. Christian Jacob - Dès lors que le bien peut changer de nature il faut à l'évidence associer le propriétaire à l'élaboration du CTE. Les associations de consommateurs ou de défense de l'environnement donneront bien leur avis, on voit mal pourquoi seul les propriétaires fonciers seraient exclus. Il faut absolument mieux prendre en compte leurs préoccupations pour préserver l'agriculture de demain car les jeunes agriculteurs confrontés au coût de l'installation ne pourraient supporter en outre une lourde charge foncière. Tel est le sens de mon amendement 303.

L'amendement 858 de Michel Bouvard est également défendu.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les amendements 447 et 303. Quant à l'amendement 858, il sera satisfait par l'amendement 79. Nous ne cherchons pas à distinguer les bons fermiers ou les bons propriétaires, mais à définir le CTE. Je vois mal comment ce dernier pourrait nuire à la valeur du bien, puisqu'il s'agit d'un projet global destiné à valoriser le potentiel économique et agronomique de l'exploitation.

Par ailleurs, nous ne souhaitons pas faire entrer les relations entre les propriétaires et les bailleurs dans le cadre de ce texte. Enfin, il est déjà prévu dans le projet de loi que le CTE est conclu "sous réserve des droits des tiers", ce qui est une garantie pour le propriétaire. La commission a donc rejeté les trois amendements.

M. le Ministre - Je tiens à préciser que la fédération nationale de la propriété agricole a participé au groupe de travail qui a été réuni sur ce projet de loi.

Le CTE a notamment pour but de développer des pratiques agronomiques protégeant les ressources naturelles et l'environnement, il encouragera donc le fermier à se conduire en bon père de famille : point n'est besoin pour cela de l'avis préalable du propriétaire, qui ne ferait qu'alourdir les procédures.

M. Christian Jacob - Il paraîtrait normal que le propriétaire donne son autorisation expresse avant que son bien ne subisse des modifications...

M. Jean-Claude Lemoine - On imagine en particulier les difficultés que peut entraîner une modification de la destination des bâtiments.

M. le Rapporteur - Vous parlez l'un et l'autre de ce qu'on appelle la conduite de l'exploitation : le code rural contient toutes les dispositions nécessaires à ce sujet ; et si le fermier transforme une étable en gîte rural, je ne pense pas que le propriétaire y perdra beaucoup...

Les amendements 447, 303 et 858, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Sauvadet - Même si les propriétaires ont été consultés lors de l'élaboration du projet, Monsieur le ministre, ils ne se sont pas retrouvés dans votre texte...

Avec notre amendement 747, nous proposons que les propriétaires soient au moins informés avant la signature d'un CTE. Qu'ils soient, en effet, totalement absents de ce texte est très choquant. Est-ce délibéré, Monsieur le ministre ?

M. le Rapporteur - On compte 4 millions de propriétaires fonciers et 600 000 exploitations ; il n'est donc pas rare qu'un agriculteur travaille sur les fonds de cinq ou six propriétaires. Obtenir l'accord de chacun d'entre eux, ce serait difficile... Ici, on nous parle d'information, mais le problème est le même. Tout est prévu dans le code rural ; la commission a donc repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Christian Jacob - L'amendement de François Sauvadet est un amendement de repli par rapport au mien. Informer le propriétaire, c'est un minimum...

M. François Sauvadet - Monsieur le ministre, j'aimerais que vous répondiez à mes questions. Pourquoi les propriétaires sont-ils absents de ce texte ?

M. le Ministre - Parce que le CTE ne porte en rien préjudice aux biens des propriétaires. Est-ce que, pour un assolement, on informe le propriétaire ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) Nous écrivons déjà que le CTE est "conclu sous réserve des droits des tiers" : n'ajoutons pas de dispositions redondantes. (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

L'amendement 747, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Proriol - Notre amendement 646 tend à préciser que le CTE "a pour objectif d'inciter les exploitations agricoles à développer un projet économique". Nous insistons en effet sur le fait que l'activité principale de l'agriculteur reste la production ; donnez-nous-en acte !

M. Jacques Rebillard - Mon amendement 14 va dans le même sens. Que l'opposition se rassure : ce texte ne néglige pas la fonction de production. Mais mieux vaut, sans doute, le dire clairement.

M. le Rapporteur - MM. Proriol et Rebillard auront satisfaction avec l'amendement 79, 2ème rectification.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Sauvadet - Depuis le début du débat, nous demandons que la vocation de production de l'exploitation soit clairement affirmée. Je me réjouis que cette idée soit reprise par le rapporteur et le ministre !

L'amendement 646, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 14 est retiré.

M. Jean Proriol - Vous ne m'avez pas laissé le temps de retirer le mien, Monsieur le Président...

M. François Guillaume - Je m'inquiète des engagements qui seront demandés aux exploitants quant aux conditions et modes de production : non seulement ils sont évolutifs par nature, mais ils relèvent de leur seule responsabilité. Plutôt que de rédiger des lois sibyllines et de les préciser ultérieurement par décret, disons les choses clairement : faisons référence, comme le propose mon amendement 300, à une conduite de l'activité respectueuse de l'environnement.

M. le Rapporteur - Je vais faire mentir M. Sauvadet : j'écoute l'opposition, et la meilleure preuve en est que la commission a accepté cet amendement - ainsi que 82 autres...

M. le Ministre - C'est un peu redondant, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jean Auclair - Je vous ai posé une question à laquelle vous n'avez pas répondu : dans les zones en difficulté, telle la Creuse, sera-t-il question des chargements dans les contrats de plan et, si oui, quels seront les plafonds ?

M. le Ministre - Ce n'est pas à moi de définir, département par département, le contenu des CTE !

L'amendement 300, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 77, auquel l'amendement 549 de M. Adevah-Poeuf est identique, introduit une référence à l'emploi, qui est à la fois une dimension essentielle de toute politique publique et l'un des aspects de la multifonctionnalité de l'agriculture.

Les amendements 77 et 549, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Marie-Hélène Aubert - L'amendement 735 corrigé dispose que les CTE doivent contribuer à "la recherche d'un niveau élevé de sécurité et de qualité des biens alimentaires et non alimentaires produits sur l'exploitation".

M. le Rapporteur - C'est implicite dans le reste du texte.

M. le Ministre - Même avis.

M. Christian Jacob - Ces sous-entendus permanents créent un climat de suspicion blessant : quel pays peut se vanter d'avoir un système de sécurité alimentaire plus fiable que le nôtre ?

L'amendement 735 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Félix Leyzour - Compte tenu des propos du rapporteur et du ministre, je retire l'amendement 832, qui a trait à la qualité des productions.

Mme Marie-Hélène Aubert - L'amendement 734 corrigé fait référence aux principes énoncés à l'article L. 200-1 du code rural, issu de la loi Barnier, c'est-à-dire le principe de précaution, le principe d'action préventive et de correction, le principe "pollueur-payeur" et le principe de participation.

M. le Rapporteur - Vous avez raison sur le fond, mais il n'est pas utile de répéter plusieurs fois la même chose dans le texte.

M. le Ministre - L'amendement est satisfait par la rédaction de l'article 1er, qui ambitionne même d'aller plus loin que la loi Barnier.

Mme Marie-Hélène Aubert - Je m'étonne, dans ces conditions, du sort favorable réservé à l'amendement de M. Guillaume, qui encourait pourtant le même reproche. Si la loi en reste à de vagues références à l'environnement, cela augure mal du contenu futur des CTE !

L'amendement 734 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Serge Poignant - L'amendement 36 vise à supprimer la notion de "services collectifs", qui empiète sur le domaine de l'artisanat, et à limiter celle de "projets collectifs" à la production, l'aménagement relevant plutôt des collectivités locales.

M. le Rapporteur - Soutenant l'amendement 78 corrigé, je répondrai à tous les autres. M'étant persuadé, lors du débat en commission, que l'expression "services collectifs" pouvait prêter à confusion et susciter d'inutiles querelles, j'ai préféré revenir à l'esprit du texte et à la notion d'"actions d'intérêt général".

Dans l'amendement que nous avons déposé et qui semble donner satisfaction à certains d'entre vous, nous faisons en outre référence au "développement de l'emploi et de projets individuels ou collectifs de production, de transformation et de commercialisation". Or, apparemment dans le même souci d'éviter toute équivoque, le Gouvernement a déposé un sous-amendement visant à supprimer les deux derniers éléments par nous mentionnés. J'attends de voir ce qu'il en est pour donner l'avis de la commission.

M. Christian Jacob - L'amendement 5 est défendu.

M. Christian Estrosi - Même l'amendement de la commission laisse subsister un doute quant à la possibilité ou non d'utiliser des aides publiques pour livrer une concurrence déloyale à certains artisans ou commerçants. Or c'est ce que nous entendons éviter, particulièrement dans les zones de montagne, à l'équilibre social fragile. D'où l'amendement 229.

M. Roger Lestas - L'amendement 239 de M. Micaux est identique. Nous refusons d'inclure dans le champ du CTE la possibilité de financer des services collectifs qui iraient bien au-delà de ce qu'impliquent et la conception traditionnelle et la conception multifonctionnelle de l'agriculture. En effet, la contractualisation avec l'Etat en vue de bénéficier d'aides publiques reviendra à avantager une catégorie socio-professionnelle par rapport aux autres, pour l'exercice d'une même activité.

Nous ne voulons certes par remettre en cause l'effort de l'Etat en faveur de l'agriculture mais il serait inacceptable que l'on aide les agriculteurs à concurrencer artisans ou commerçants. L'objet des contrats territoriaux doit donc être strictement limité à l'activité agricole proprement dite -et, à ce titre, cet amendement devrait être complété par une modification de l'article 6, qui étend sensiblement la définition juridique de l'activité agricole.

M. le Président - L'amendement 261 n'est pas défendu.

M. le Ministre - De quoi s'agit-il ? D'inscrire dans la loi les trois fonctions de l'exploitation agricole : économique, sociale et environnementale. Je puis donc rassurer les représentants des artisans et commerçants : le CTE reste dans le cadre de cette définition trifonctionnelle. D'autre part, la participation à la réalisation de projets collectifs présentera des avantages pour les autres activités rurales.

Je donne par conséquent mon accord à l'amendement 78 corrigé, sous réserve de l'adoption du sous-amendement 953 visant à supprimer les mots :"de transformation et de commercialisation".

D'autre part, si l'Assemblée adopte tout à l'heure l'amendement de M. Leyzour, faisant figurer le mot "emploi" à la phrase précédente, il n'est pas opportun de reprendre l'idée ici et je propose donc de supprimer également de l'amendement les mots "de l'emploi et".

M. François Sauvadet - Nous voici au coeur d'une réflexion et d'un débat qui nous ont tous vivement intéressés en commission. Le ministre lui-même a fait état des préoccupations des artisans et des entrepreneurs de travaux agricoles. Je ne vous cache pas que, pour notre part, nous aurions préféré nous arrêter, dans le texte initial de l'article L 311-3, après les mots "à l'occupation de l'espace" ; étant entendu que, dans le CTE, tout ce qui se traduirait par des services collectifs serait induit par l'exercice des autres missions.

Vous avez souhaité aller au-delà pour marquer une volonté politique mais ce souci ne doit pas mener à des déséquilibres. Il faut que tous les acteurs du monde rural trouvent ici leur place : de grâce, n'introduisez pas de nouvelles disparités, préjudiciables à l'emploi. Celui-ci doit rester au centre de nos préoccupations, qu'il s'agisse de la production aussi bien que de la transformation et de la commercialisation, qui sont indispensables à la valorisation des produits agricoles.

M. Serge Poignant - Je maintiens mon amendement. Ce n'est pas moi mais la commission qui a rajouté la mention de la transformation et de la commercialisation mais, si mes collègues en sont d'accord, nous pouvons approuver le sous-amendement du Gouvernement, qui s'en tient à la production et aux actions d'intérêt général.

M. le Rapporteur - Monsieur Estrosi, qui pourrait douter que les agriculteurs remplissent dès aujourd'hui des missions d'intérêt général, notamment dans cette montagne que vous connaissez bien ? Ce sont des fonctions non rémunérées que nous attendons rémunérer à l'avenir. Un éleveur qui fait paître ses moutons dans des zones exposées aux incendies, un agriculteur de montagne qui participe au développement touristique mènent des actions d'intérêt général ! Ne confondons pas multifonctionnalité et pluriactivité. Celle-ci sera d'ailleurs clairement définie et encadrée par un autre amendement.

M. Christian Jacob - M. Poignant a accepté le compromis suggéré par le ministre, mais nous n'aurions pas eu besoin d'en venir là si nous en étions restés à la rédaction actuelle du code rural, qui évitait toute ambiguïté : "sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique (...) ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour rapport l'exploitation".

M. le Ministre - Nous reviendrons sur ce point à l'article 6.

L'amendement 36, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 78 corrigé et les sous-amendements 953 et 516 tombent, de même que les amendements 5, 229 et 239.

M. François Guillaume - L'amendement 301 est défendu.

M. Germain Gengenwin - Identique, notre amendement 509 vise à supprimer, dans le premier alinéa, les mots : "ou à la réalisation de services collectifs". Il serait dommage qu'un maire ne puisse demander à un agriculteur de déneiger ou de tondre le terrain de football, au motif que ces tâches ne figureraient pas dans le CTE !

A ce propos, que répondre à un agriculteur qui vous poserait la seule question qui vaille : "Que dois-je faire pour passer un tel contrat, et que puis-je en espérer ? Quelles seront mes contraintes ?

M. le Rapporteur - C'est simple. Lui sera soumis un contrat type, comportant des contraintes, qu'il acceptera ou non, relevant de politiques nationales telles que la maîtrise de l'environnement ou la lutte contre la pollution de l'eau. D'autre part, des priorités régionales pourront être définies. Enfin, il y aura une partie individuelle, où pourra figurer par exemple le déneigement !

Quant aux amendements 301 et 509, je ne comprends pas pourquoi vous les maintenez alors que l'amendement 78 corrigé répondait à vos préoccupations !

M. le Ministre - En effet, les souhaits des auteurs des amendements 301 et 509 étaient satisfaits par l'amendement 78 corrigé.

L'UPA et les chambres de métiers sont d'ailleurs satisfaites de l'expression "d'actions d'intérêt général".

M. François Sauvadet - Vous ne saisissez pas l'importance de la question. Votre texte vise un objectif a priori de fourniture de services collectifs. Notre conception repose sur la possibilité pour les exploitants d'avoir des activités induites produisant des services collectifs dans le cadre de leur activité principale de production. Nous ne souhaitons pas faire de l'agriculteur un producteur de services.

On risquerait de nouveaux déséquilibres si les exploitants devaient avoir, dans le cadre de contrats individuels signés avec l'Etat, un objectif fixé a priori de prestation de services collectifs.

M. Michel Bouvard - Vous nous avez dit, M. le rapporteur, que les régions pourraient se prononcer sur le périmètre et sur le contenu de CTE. Je vous avoue mon inquiétude. Le conseil régional de Rhône-Alpes, où les élus urbains, dominent largement, fixera-t-il demain le contenu du CTE pour la massif alpin ?

M. le Rapporteur - Il est nécessaire que les CTE conservent leur cohérence lorsqu'ils reflètent des préoccupations nationales, régionales et locales.

Je n'ai pas dit que les conseils régionaux donneraient systématiquement leur avis sur les contrats ou qu'ils participeraient obligatoirement à leur financement. J'ai simplement une préoccupation de cohérence dont vous devriez vous inspirer, vous qui tantôt dénoncez le CTE, tantôt le trouvez trop flou ou au contraire trop compliqué vous qui, enfin, demandez qu'il soit mieux financé. (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Guillaume - Plus vous nous expliquez, moins nous comprenons !

M. le Rapporteur - C'est l'âge.

M. François Guillaume - Allons-nous avoir des CTE type définis aux niveaux national, régional, départemental voire communal ?

Je conçois que dans un lieu, vous fixiez une norme objective par exemple une quantité maximale d'azote à l'hectare. Il me parait par contre difficile de concevoir comment vous entendez définir la préservation des paysages, pour laquelle ce qui passe dans mon village n'a surement rien à voir avec ce qui passe chez vous. Vous souhaitez peut-être revenir au système des corvées dans lequel les conseils municipaux définissaient les prestations en nature que chacun devait fournir.

Je ne vois pas alors où serait la cohérence puisque nous aurions autant de CTE que d'exploitants.

M. le Rapporteur - Je vais vous éclairer en développant l'exemple du cassis de Dijon qui illustre ce que peut être un projet agricole régional.

Le conseil régional et les agriculteurs de Bourgogne souhaitent en effet instituer une AOC cassis de Dijon, afin que quelques heures chez un transformateur ne suffisent plus à obtenir l'appellation.

Voilà un projet qui grâce à l'AOC créerait une plus value et permettrait la reconquête d'un territoire aride. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Germain Gengenwin - Les contrats de plan Etat-régions ont permis à chaque région de développer une politique adaptée à ces spécificités. Pourquoi revenir sur ce dispositif au profit d'un CTE défini par l'Etat ?

M. Serge Poignant - Je précise, Monsieur le rapporteur, que si, tout à l'heure, je n'ai pas retiré mon amendement c'est parce que j'estimais que son apport était réel, mais que, de toute façon, j'étais prêt à voter celui de la commission.

Les amendements 301 et 509 mis aux voix ne sont pas adoptés.

M. Jacques Rebillard - Mon amendement 17 visait le rôle économique des CTE. Je le retire puisque l'amendement 79 rectifié répond à cette préoccupation.

M. le Rapporteur - L'amendement 79 rectifié précise que "Le contrat territorial d'exploitation a pour objectif d'inciter les exploitations agricoles à développer un projet économique global qui intègre les fonctions de l'agriculture mentionnées à l'article premier de la loi d'orientation agricole".

L'amendement 79 rectifié, accepté par le Gouvernement mis aux voix, est adopté.

M. Paul Patriarche - La loi de 1991 confère à la collectivité territoriale de Corse des compétences en matière agricole.

Mon amendement 269 prend en compte ce statut spécifique en permettant aux exploitants de conclure des CTE avec la collectivité territoriale de Corse.

M. le Rapporteur - Je comprends votre préoccupation. La commission a néanmoins repoussé votre amendement, estimant que cette disposition relève plutôt du domaine réglementaire. Renvoyons là aux décrets d'application en Conseil d'Etat.

M. le Ministre - Les CTE doivent être signés par les représentants de l'Etat. Je demande donc le retrait de l'amendement. Cela étant, Monsieur Patriarche, j'ai demandé au préfet de la Région Corse de tenir compte de la spécificité de ces deux départements dans les préfigurations des contrats.

M. Paul Patriarche - L'Assemblée de Corse s'est prononcée à l'unanimité sur ce sujet le 2 septembre dernier. Je maintiens donc mon amendement.

L'amendement 269, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Robert Lamy - L'amendement 4 vise à remplacer les mots "l'ensemble de l'activité de l'exploitation agricole" par les mots "la production agricole de l'exploitation" dans le deuxième alinéa. Il s'agit simplement d'éviter une distorsion de concurrence avec l'octroi d'aides publiques pour la réalisation de travaux pouvant être effectués par des artisans ou des commerçants.

M. Christian Jacob - L'amendement 40 corrigé a le même objet. Mieux vaut en effet s'en tenir à la définition de l'article L 311-1 du code rural.

Si un agriculteur transforme des volailles ou des porcs qu'il a produits sur son exploitation, il n'y a pas de problème. Si en revanche il les achète sur un marché pour les transformer, il y a litige. Des difficultés analogues peuvent surgir dans le cas de travaux d'entretien, petits entrepreneurs et agriculteurs n'utilisant pas un carburant taxé de la même façon.

L'équilibre actuel convenait à tous les acteurs du monde rural. Pourquoi le perturber inutilement ? Les communes rurales n'ont rien à y gagner. Agriculteurs, artisans et commerçants ont au contraire besoin les uns des autres pour maintenir la vitalité des territoires ruraux.

M. Christian Estrosi - Si le Gouvernement a vraiment la volonté qu'il affiche, il devrait accepter les amendements précédents, identiques à mon amendement 230, qui ont le mérite de clarifier totalement la situation.

M. Roger Lestas - L'amendement 240 a le même objet.

M. Christian Jacob - L'amendement 302 est défendu.

M. Gérard Voisin - Je ne reprendrai pas les arguments qui viennent d'être exposés pour défendre mon amendement 503. Je prendrai seulement l'exemple d'un maraîcher qui sait fabriquer des châssis. S'il se met un jour à les vendre, il concurrence déloyalement un artisan.

M. François Sauvadet - L'amendement 748 de pure forme, vise, comme les précédents, à limiter la portée du contrat territorial à la seule activité agricole de l'exploitation. Ce contrat, nous l'avons toujours dit, n'est pas une mauvaise chose en lui-même. Nous n'en avons simplement pas la même vision que vous, Monsieur le ministre. Nous souhaitons des précisions sur ses contours et son financement. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Le rendez-vous est important. Nos interrogations sont légitimes : c'est le travail du législateur.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 510 a le même objet.

M. le Rapporteur - Ces 9 amendements dont 6 sont identiques s'ils ne trahissent pas une pensée unique, traduisent au moins la cohérence de l'Alliance... sur un point. (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Monsieur Sauvadet, si je vous suis, en tant que président de l'association de développement de l'Auxois, vous vous félicitez de recevoir des crédits envoyés pour financer des chambres d'hôte ou des fermes-auberges. Ici, vous prétendez qu'il s'agirait de concurrence déloyale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Je demande donc le rejet de tous ces amendements.

M. le Ministre - Les CTE ne doivent pas contribuer à concurrencer les artisans ruraux. Pour autant, ils doivent être l'instrument de la multifonctionnalité de l'agriculture. Avis défavorable donc à ces amendements.

M. François Sauvadet - Votre exemple, Monsieur le rapporteur, est excellent. Il y a une différence fondamentale entre un CTE et un contrat de pays. Dans notre contrat de pays de l'Auxois, les acteurs dans leur ensemble ont défini leurs objectifs en matière de développement touristique en veillant à éviter toute distorsion de concurrence.

Oui, l'agriculture remplit de multiples fonctions. Mais pour nous, la multifonctionnalité ne peut s'exprimer qu'à partir de l'activité agricole surtout quand la périphérie se développe avec des crédits d'Etat.

En fait, deux conceptions de l'agriculture s'opposent ici : la vôtre, étatique, avec une recentralisation des crédits, et la nôtre, territoriale, décentralisée, où chacun doit pouvoir prendre sa place.

M. Christian Jacob - Je suis moi aussi dans un pays créé parmi les tout premiers et au sein duquel élus, associations et agriculteurs ont élaboré un grand projet de développement comportant des dispositifs très variés : pas besoin d'une réglementation contraignante pour se mettre d'accord ! Au contraire, vous risquez par le CTE de rompre les équilibres et d'aggraver les distorsions de concurrence.

On peut donc penser que le développement local trouvera davantage sa place dans la loi relative à l'aménagement du territoire, même si les premiers échos des projets de Mme Voynet n'incitent guère à l'optimisme.

Les amendements 4, 40, 230, 240, 262 et 302, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 503, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 748 et 510.

M. Michel Bouvard - Il faut absolument perpétuer le régime actuel des aides compensatoires de handicap, notamment en faveur des zones de montagne.

Le ministre s'est engagé hier à ce qu'elles ne soient pas contractualisées et à ce qu'elles soient délivrées sans contrepartie, nous proposons aujourd'hui, par les amendements 55 et 282, de l'inscrire dans la loi.

M. Christian Jacob - Les amendements 305 et 468 corrigé sont identiques.

M. le Président - Les amendements 490 et 760 également.

M. Jean Proriol - Notre amendement 647, identique, a aussi pour objet de traduire dans la loi l'engagement pris hier par le ministre quant à la non-contractualisation des indemnités compensatoires. Je demande à tous les élus de la montagne de nous soutenir, car la montagne est au-dessus des clivages partisans. (Sourires) Cet appel s'adresse en particulier à mon compatriote auvergnat, Maurice Adevah-Poeuf. Monsieur le ministre, les élus de la montagne vous attendent à son pied. (Sourires)

M. le Rapporteur - Nous avons longuement débattu de ces amendements ce matin en commission et nous les avons repoussés car les aides spécifiques n'ont pas vocation à être intégrées dans les CTE. La pérennité des aides spécifiques, dont bénéficie la montagne, n'est nullement remise en cause.

M. le Ministre - Chacun connaît mon intérêt pour la politique de la montagne et mes efforts pour qu'elle soit reconnue au niveau communautaire. Cette politique sera poursuivie et, je le redis, les indemnités compensatoires de handicap naturel ne figureront pas dans le fonds de financement des CTE.

Dès lors, je ne peux que m'opposer aux amendements.

M. Michel Bouvard - Je vous fais confiance, mais mieux vaudrait l'inscrire dans la loi pour assurer la pérennité du dispositif, d'autant qu'on a connu par le passé des fusions de lignes, comme celle des aides aux bâtiments d'élevage et à la mécanisation avec les aides aux mises aux normes, dont nous subissons encore les effets.

M. Maurice Adevah-Poeuf - M. Proriol ne cesse -je m'en réjouis- de se référer à ma position...

Les engagements du ministre sont clairs : les indemnités compensatoires ne sont pas menacées. Et même si tel était le cas, croyez-vous vraiment que de tels amendements suffiraient à les sauver ?

Battons-nous donc ensemble pour préserver la politique de la montagne en Europe, et laissons les CTE en l'état !

M. Jean Proriol - Nous donnons acte au ministre de son engagement et nous comptons sur sa parole. Mais selon la rumeur, le ministre pourrait changer. C'est pour permettre à un éventuel nouveau ministre de tenir la promesse de M. Le Pensec que nous voulons introduire cette disposition dans la loi.

Les amendements 55, 282, 305, 468 corrigé, 490, 760 et 647, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La séance, suspendue le mercredi 7 octobre à 0 heure 15, est reprise à 0 heure 30.

M. Christian Jacob - L'amendement 304 est défendu.

L'amendement 304, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 241 de M. Micaux est défendu.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 512 dispose que les CTE sont conclus sous réserve des droits des propriétaires bailleurs, dont l'amendement 511 requiert l'accord lorsque des dispositions sons susceptibles de porter atteinte à ces droits.

Les amendements 241, 512 et 511, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Paul Patriarche - On parle beaucoup de combattre la désertification, mais nous ne voyons toujours rien venir ! Elu d'une circonscription qui compte deux tiers de communes de moins de 100 habitants, je considère que les CTE peuvent être une bonne chose pour ce type de territoire, mais à condition de prévoir, comme je le propose par l'amendement 12, des aides spécifiques.

M. Christian Jacob - Les amendements 306 à 309 sont en pleine cohérence avec le dixième alinéa de l'article 1er, qui prend en compte "les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne et aux zones défavorisées".

M. Michel Bouvard - Peut-être conviendrait-il d'examiner conjointement les amendements 471 et suivants, qui portent sur le même sujet...

M. le Rapporteur - Je suis également l'élu d'une circonscription qui compte de très nombreuses petites communes dépeuplées, et je considère aussi que le CTE peut être une grande chance pour elles, mais les aides spécifiques ne relèvent pas du CTE.

M. le Ministre - La réorientation des aides publiques à laquelle donnera lieu le CTE bénéficiera largement aux zones défavorisées, sans compter que la politique de la montagne sera poursuivie et même amplifiée.

M. Jean Auclair - Les situations sont trop diverses au sein d'un même département, pour justifier un contrat-type uniforme.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 306, 307, 308 et 309.

M. Jacques Le Nay - L'amendement 513 rend obligatoire l'avis conforme de la CDOA pour l'élaboration des contrats-types.

M. le Rapporteur - Cela aurait pour effet de bureaucratiser le système et de multiplier les risques de blocage. Or, nous ne sommes pas pour la suradministration...

M. le Ministre - La CDOA est, par nature, une commission consultative.

M. Germain Gengenwin - Vous reconnaissez donc que l'Etat décidera seul de ce qui figurera dans les CTE. C'est un aveu lourd de conséquences !

M. Christian Jacob - L'avis conforme permet de mieux tenir compte des réalités locales. Quitte à laisser le préfet tout régenter sur instruction ministérielle, il serait plus simple et plus franc de supprimer aussi la consultation de la CDOA !

L'amendement 513, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Hélène Aubert - L'amendement 736 corrigé précise que le CTE détermine, pour chaque région agricole caractéristique, un mode d'exploitation durable, conformément aux dispositions des articles L. 200-1 à L. 200-2 et aux objectifs mentionnés au premier alinéa. Il convient de préciser ce qu'on entend par "respect de l'environnement", car le mot "durable" ne suffit pas.

M. le Rapporteur - Nous avons tout à l'heure repoussé un amendement similaire et mieux vaut attendre la préfiguration pour éventuellement changer d'avis.

Madame Aubert, il est déjà dit deux fois dans la loi, aux articles 1er et 2, que l'agriculture doit être respectueuse de l'environnement : tenons-nous en là, d'autant qu'on ne sait trop qui pourrait vérifier le caractère "durable" ou non de l'exploitation.

M. le Ministre - Même avis : le développement durable en agriculture est l'un des objectifs prioritaires inscrits dans cette loi.

Mme Marie-Hélène Aubert - Je ne comprends toujours pas ce refus de préciser le sens du mot "durable", alors qu'on s'accorde à dire qu'il est galvaudé. Nous ne proposons pas de le répéter ou de redire que l'agriculture doit être respectueuse de l'environnement : nous ne voulons que préciser ce qu'on entend par respect de l'environnement. Si l'on s'y oppose, nous en tirerons les conséquences...

M. Michel Bouvard - Chiche !

L'amendement 736 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Le Nay - Le succès du contrat territorial suppose un projet global d'exploitation économiquement efficace. Par l'amendement 514, nous proposons donc d'ajouter, dans la première phrase du troisième alinéa, après "un développement", l'adjectif "économique".

M. le Rapporteur - Vous avez raison, mais l'amendement 79 vous a déjà donné satisfaction en précisant que le CTE "repose sur un projet économique global".

M. le Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 514 est retiré.

M. Michel Bouvard - Je défendrai, outre l'amendement 471, les trois amendements identiques 467, 763 et 857. Pour être fidèle à l'esprit de cette loi, il nous semble utile de préciser que le CTE devra tenir compte des caractéristiques géographiques dans lesquelles s'exerce l'agriculture. Une lecture un peu rapide du dispositif pourrait en effet conduire à une approche purement fonctionnelle de l'exploitation. Or le cadre fixé par la loi doit à l'évidence être adapté aux spécificités régionales et départementales.

M. François Sauvadet - L'amendement 491 est soutenu.

M. le Président - L'amendement 817 corrigé n'est pas défendu.

M. Jean Proriol - L'amendement 649 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à tous ces amendements.

M. le Ministre - Les contrats-types seront élaborés à l'échelon départemental en tenant compte des systèmes d'exploitation et, éventuellement, des caractéristiques des petites régions agricoles, cela pour répondre à une préoccupation exprimée par M. Auclair. J'ai dit tout à l'heure qu'un CTE pourrait par exemple concerner un bassin-versant. Le souci que traduisent ces sept amendements est donc satisfait, en particulier par l'avant-dernier alinéa de l'article premier.

L'amendement 471, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 467, 491, 763, 817 corrigé et 857, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 649 n'est pas adopté.

M. Jacques Rebillard - Par l'amendement 16 corrigé, je souhaite compléter la dernière phrase du troisième alinéa par les mots : "et après avis des présidents du conseil régional et général". Ces assemblées définissent d'une certaine façon une politique agricole globale pour leur territoire mais, d'autre part, les CTE devront être porteurs d'un projet individuel. C'est cette double dimension, individuelle et collective, qu'il s'agit de concilier. Pour prendre en exemple, dans le Charolais où nous avons beaucoup de mal à constituer une filière d'engraissement de qualité, les CTE pourraient nous être d'une grande aide. De même pour imposer une certification de l'élevage. En revanche, si le CTE devait favoriser l'élevage d'animaux maigres ou de broutards, je pense que les élus n'y seraient pas favorables. Mon amendement obéit donc à un souci de cohérence.

M. le Rapporteur - Autant nous sommes pour que les conseils généraux et régionaux soutiennent les CTE, autant nous doutons que recueillir leur avis aille sans poser problème dans certaines régions.

M. le Ministre - Les présidents seront associés à la préparation des CTE-types et consultés au sein des CDOA. Il ne me paraît donc pas nécessaire d'y ajouter une procédure de consultation, inévitablement lourde. J'apprécierai que M. Rebillard retire son amendement.

M. Jean-Claude Lemoine - Si les conseils généraux et régionaux contribuent au financement des CTE, il est normal qu'on les consulte !

M. Jacques Rebillard - Dans un esprit de solidarité majoritaire, je retire l'amendement.

L'amendement 16 corrigé est retiré.

M. Michel Bouvard - L'amendement 762 est défendu.

M. le Rapporteur - Après les CDOA, les présidents de conseils généraux et régionaux et, maintenant, le conseil économique et social, qui faudra-t-il encore consulter aux termes du prochain amendement ?

M. Michel Bouvard - L'évêque !

M. le Rapporteur - Pourquoi pas, après tout, s'ils veulent bien payer !

L'amendement 762, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Félix Leyzour - Par l'amendement 833, nous proposons de compléter l'avant-dernier alinéa par les mots : "Il prend éventuellement en compte les projets à caractère particulier présentés par les agriculteurs".

Les contrats-types établis par les préfets sont nécessaires pour disposer d'un cadre clair, fidèle aux orientations définies par le ministre. Cependant, nous souhaiterions que les contrats ménagent une place à l'examen des propositions présentées par des agriculteurs, pour que l'originalité puisse se faire entendre.

M. le Rapporteur - Nous avions présenté un amendement autorisant à prendre en considération les contrats "individuels ou collectifs". L'idée était un peu la même et, dans la mesure où cet amendement n'a pu être adopté, je ne serais personnellement pas défavorable à ce que le vôtre le soit, même si la commission l'a repoussé.

M. le Ministre - L'idée est déjà prise en compte dans la loi, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jacques Rebillard - Les apiculteurs, actuellement quelque peu éprouvés, auront-ils la possibilité de signer un CTE ?

M. le Rapporteur - L'apiculture participe évidemment des activités de diversification que nous encourageons. Je vous invite même à voter cet amendement dare-dare. (Sourires sur tous les bancs)

L'amendement 833, mis aux voix, est adopté.

M. François Sauvadet - Nous insistons depuis que le projet est en discussion sur la nécessité de prendre en compte la forêt.

Nous souhaitons, de plus, assurer la cohérence du texte qui, à l'article 3, crée un fonds de financement regroupant notamment des crédits destinés "à la gestion territoriale de l'espèce agricole et forestier". Nous proposons donc, par l'amendement 515, de modifier l'article 2 pour évoquer les activités forestières. Il s'agit de laisser ouverte la possibilité d'appliquer le dispositif du CTE à la forêt tout en excluant qu'il entre en contradiction avec les dispositifs qui sont de la compétence des commissions régionales de la forêt et des produits forestiers.

M. Jean Proriol - Il est urgent de préciser comment seront traitées les activités forestières. Lors des réunions qu'organisent les préfets pour préparer les contrats-types, les agriculteurs s'interrogent déjà sur la possibilité d'inclure des projets forestiers dans les contrats types, tant la tradition de la forêt paysanne est forte dans nos montagnes. Refuser l'amendement 648, qui est un amendement de précaution, reviendrait à condamner ces initiatives. Députés prolétaires de tous les pays et de la montagne, unissez-vous donc derrière la forêt paysanne ! (Sourires)

M. le Rapporteur - La commission n'a pas pu examiner ces amendements qui lui sont parvenus trop tard.

M. le Ministre - La loi forestière, qui est en préparation, répondra à vos préoccupations. Mon avis sur ces amendements est donc défavorable.

M. Jean Proriol - La loi forestière arrivera trop tard. Je ne comprends pas votre position.

Il ne s'agit pas d'aborder tous les problèmes de la forêt mais simplement de préciser que des actions forestières seront possibles au sein des CTE, dans le respect des réglementations spécifiques.

Remettez-vous en à la sagesse de l'Assemblée !

M. Christian Jacob - En tant que président du CNJA, j'avais, en janvier 1993, convié Mme Royal à découvrir en Ardèche un projet qui consistait à réaliser un pare-feu susceptible de protéger un village en déboisant une zone où il serait, en outre, possible de faire paître des moutons.

Il me semble que ce type de projet rentre parfaitement dans le cadre du CTE. Pourtant, tant que la forêt n'y sera pas intégrée, l'agriculteur ne pourra obtenir ni autorisation de défrichement ni exonération des taxes de défrichement.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Je comprends que l'on ne puisse adopter ces amendements en l'état, d'autant que la commission n'a pas pu les examiner.

La question de la conformité des CTE conclus par des exploitations agricoles exerçant à titre accessoire une activité forestière à la réglementation forestière se posera néanmoins. Je souhaite donc qu'une solution convenable soit cherchée d'ici à la seconde lecture.

M. François Sauvadet - Le fonds de financement des CTE a pour vocation de regrouper notamment les crédits destinés à la gestion de l'espace forestier. Il faut donc être prudent et écarter des CTE les zones forestières qui relèvent d'autres compétences et pour lesquelles des financements spécifiques ont été prévus. Le problème est réel.

L'amendement 515, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 648.

M. François Sauvadet - Monsieur le ministre, vous avez évoqué avec une belle cohérence le rôle purement consultatif d'une CDOA... que vous ne souhaitez pas consulter !

Par l'amendement 750, M. Jacques Barrot propose qu'un contrat territorial d'exploitation puisse déroger aux contrats-type, sous condition d'avoir reçu l'avis conforme de la CDOA.

Nous accepterions bien sûr, Monsieur le ministre, un sous-amendement qui supprimerait le mot "conforme".

M. le Rapporteur - La commission est défavorable à cet amendement.

Le préfet a la faculté, le cas échéant, de signer des contrats dérogeant aux contrats-types.

M. le Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 750, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 80 rectifié adopté par la commission situe le CTE par rapport aux concertations définies par le ministre de l'agriculture, aux projets départementaux et aux cahiers des charges définies au plan local.

M. le Ministre - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Félix Leyzour - Je retire le sous-amendement 846, qui n'a plus d'objet.

Mme Marie-Hélène Aubert - Le sous-amendement 741 tend à garantir la cohérence des CTE avec la politique d'aménagement du territoire qui sera mise en oeuvre et avec les projets de pays.

M. Jacques Le Nay - Par le sous-amendement 937, nous demandons que le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées, au bout d'un an, un rapport sur l'efficacité des CTE. Cela nous permettra d'assumer pleinement notre mission de contrôle.

M. le Rapporteur - Avis favorable au sous-amendement 741 corrigé et défavorable au sous-amendement 937 : le Parlement doit se concentrer sur sa mission première qui est de légiférer, et non multiplier les rapports.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Sauvadet -  Le Parlement a pour mission de faire la loi. Mais il a aussi une mission de contrôle. Pour le CTE, qui présente à nos yeux un caractère étatique, nous prenons date. Nous verrons dans un an si ce dispositif aura été à la hauteur des espérances. Le Parlement sera là tout à fait dans son rôle. Je comprends que le ministre soit réservé ; je comprends moins que le rapporteur le soit.

M. Jean-Claude Lemoine - Les CTE seront financés par prélèvement sur des fonds publics existants qui avaient prouvé leur efficacité. Il paraîtrait logique de faire le point au bout d'un an pour savoir s'il convient de maintenir la nouvelle affectation de ces fonds.

Le sous-amendement 741 corrigé, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 937, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 80 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Béatrice Marre - L'article 3 crée un fonds de financement des CTE. Ce fonds constituera une ligne budgétaire nouvelle -chapitre 44-84 nouveau du budget du ministère de l'agriculture -et non un compte d'affectation spéciale, ce qui traduit votre volonté, Monsieur le ministre, de placer la CTE au centre de la politique de l'espace rural et de lui affecter des ressources stables.

Ce fonds aura vocation à regrouper les crédits destinés à la gestion de l'espace agricole et forestier. Se retrouveront dans ce chapitre nouveau, d'une part les crédits existant précédemment pour des opérations de même nature mais inscrits sur des lignes budgétaires séparées comme ceux du FGER et des OGAF, d'autre part des crédits plus spécifiquement destinés aux agriculteurs comme ceux du fonds d'installation des jeunes.

Sur la dotation initiale de 300 millions de ce fonds, 140 millions proviendront du FGER, 45 millions des OGAF et 15 millions du Fonds d'installation des jeunes. Le tiers restant, sera trouvé grâce à la cohérence du dispositif des CTE avec les évolutions prévisibles de la PAC. En effet, la Commission européenne a choisi de favoriser les politiques horizontales au lieu de se borner à renforcer les OCM. Ainsi le Fonds pourra recevoir 150 millions en 1999 par redéploiement des crédits destinés aux offices agricoles. Il pourra également, pour les contrats éligibles, recevoir des crédits destinés aux mesures agri-environnementales, financées à 50 % par l'Union européenne. 150 millions sont attendus à ce titre. Que, les aides européennes soient à l'avenir modulées et qu'une partie en soit laissée à la libre disposition des Etats, au nom de la subsidiarité, favorisera également le financement de ce fonds. Mais il est vrai que le financement futur dépendra largement de l'issue des négociations sur la réforme de la PAC.

Certains, dans l'opposition, regrettent que les crédits du Fonds pour 1999 proviennent de redéploiements. Il faut au contraire s'en féliciter car mieux dépenser, ce n'est pas toujours dépenser plus.

M. Jean-Claude Sandrier - Les fonctions économiques, sociales et environnementales de l'agriculture doivent être correctement rémunérées si l'on souhaite que les agriculteurs souscrivent nombreux des CTE. L'alimentation du fonds de financement des CTE est donc déterminante.

Ce fonds ne devra pas simplement regrouper des fonds existants ou être alimenté par transferts.

Recourir à ceux-ci est envisageable pour lancer ce fonds, mais à long terme, il faudra trouver des ressources nouvelles et une politique de prêts bonifiés sera nécessaire pour soutenir le développement des contrats. Il faudra compter aussi sur les aides communautaires. Il conviendra d'ailleurs d'éviter le développement d'une agriculture duale.

Ce fonds sera aussi l'occasion d'innover en matière de partenariat. La commission a proposé par exemple un concours des conseils généraux et régionaux. On pourrait également envisager des partenariats financiers originaux avec le secteur bancaire visant à offrir des crédits d'utilité sociale à bas taux d'intérêt.

Il appartient à l'Etat de privilégier l'emploi et le développement économique plutôt que la spéculation financière. Les banques qui investissent dans l'agriculture réalisent des marges substantielles qui pourraient servir par exemple à favoriser l'installation des jeunes agriculteurs qui ne répondent pas aux critères de la dotation jeunes agriculteurs et veulent conclure un CTE. Les banques ont assez profité de l'essor du monde agricole. Il est temps qu'elles réinvestissent les profits réalisés dans la production elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. François Sauvadet - Je ferai observer à Mme Marre que le financement du fonds par redéploiement ne garantit pas mieux la pérennité de ses ressources : des crédits déployés aujourd'hui en un sens peuvent l'être demain dans un autre. Mieux vaudrait donc une ressource affectée.

D'où proviennent les 300 millions de la dotation initiale ? Du FGER tout d'abord.

C'était une demande de la profession. Et je me souviens de l'émotion qui s'était manifestée sur tout ces bancs quand ce fonds n'avait pas été doté de crédits suffisants. Et voilà que vous le faites disparaître !

De même, vous allez faire quasiment disparaître les opérations groupées d'aménagement foncier et le fonds d'installation agricole. Mais comment soutiendrez-vous l'installation des jeunes dans les secteurs couverts par les OCM, qui ne seront pas concernés par les CTE ? Nous attendons des éclaircissements à ce propos ainsi que des garanties quant aux 150 millions qui proviendraient a-t-on dit des fonds européens.

Croyez-vous habile par ailleurs, au moment où vous êtes engagé dans des négociations avec nos partenaires européens et avec l'OMC, de laisser entendre que nous serions prêts à renoncer à des aides ou de dire qu'on va utiliser autrement les crédits ?

Nous considérons que votre dispositif, qui consiste à reprendre aux uns pour donner aux autres, risque de porter préjudice à l'ensemble de notre agriculture. Pour notre part, nous souhaitons que vous vous montriez, pour reprendre le mot du Président de la République, "offensif" lors des négociations qui vont avoir lieu.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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